Il est un fait qui échappe généralement tout à fait aux lecteurs lambdas que nous sommes tous (moi compris jusqu’à un passé récent), c’est que l’édition n’est ni là pour faire de bons ou de beaux livres, ni là pour nous faire plaisir à nous, lecteurs, et encore moins là pour dispenser un quelconque savoir et faire progresser l’humanité vers un soupçon de sagesse supplémentaire. Non l’édition est avant tout là pour faire des sous. Je sais, c’est un choc. Au pays de la culture, de Molière, de Voltaire, de Hugo, l’édition est un business (presque) comme un autre.
Une fois qu’on a admis cet état de fait un rien vertigineux, on se retrouve parfois dans la situation que j’ai vécue hier : vendre mon livre à ceux qui vont le vendre. On appelle cela la « réunion représentants ».
Ok, rien que pour vous, petit cours d’édition élémentaire, niveau 1, première année. Les éditeurs ne vendent pas directement leurs livres aux libraires. Entre les points de vente et eux, il est un intermédiaire essentiel, et surtout substantiel puisque si l’on compte la part du libraire, il perçoit entre 50 et 60% du prix de vente des ouvrages. On l’appelle le diffuseur-distributeur. Son métier ? Allez convaincre les libraires, grâce à son équipe de représentants, de référencer et de vendre les livres de l’éditeur en question. Mais là où Carrefour référence Coca Cola une fois pour toutes, tous les éditeurs, même les plus grands, doivent persuader les libraires de prendre chacun de leurs très nombreux ouvrages, au cas par cas. Un boulot de romain, sachant qu’il y a en France plusieurs milliers de points de vente…
Ce que l’on appelle référencement dans la grande distrib’ s’appelle ici mise en place. Et, vous l’aurez compris, la mise en place correcte d’un livre est le seul « garant » de son succès, ou plutôt une assurance (toute relative) contre le plantage total. Bref, c’est vital.
L’autre chose qu’il faut savoir, c’est que les diffuseurs ne représentent jamais un seul éditeur, mais plusieurs, jusqu’à plusieurs dizaines. Certains défendent donc chaque année la mise en place de plusieurs centaines d’ouvrage !
Comme moi, vous imaginez sans doute le pauvre commercial en train de présenter à un libraire ses « 400 nouveautés de la saison ». Un truc de malades… Evidemment, en pratique, il n’en va pas ainsi. Les représentants connaissent bien leur réseau de libraires. Ils ciblent, ils affinent, ils savent que untel ne prendra pas de jeunesse mais vend très bien les bios de people ou la BD.
Du coup, côté éditeurs, c’est la grande entreprise de séduction. C’est à qui convaincra le mieux les commerciaux de défendre « ses » bébés en priorité, de les placer dans un maximum de points de vente. Vous allez me dire naïvement : mais y’a bien des critères ? Oui… et non. Bien sûr on observe les succès et les vautrages des saisons passées. Bien sûr on regarde ce qu’à fait la concurrence. On écoute les libraires, aussi, après tout ils sont les mieux placés pour apprécier ce que veut ou ne veut pas (plus) le public, toujours plus maigre, des acheteurs de livres.
Mais ce qui peut surprendre de prime abord, c’est que la capacité de l’éditeur à convaincre et charmer ces personnages clés que sont les commerciaux pèse au moins autant dans la balance. Vraiment ? Au fond, je ne sais pas trop. Mais tous les éditeurs que j’ai pu rencontrer dans ma vie en sont convaincus. Ils jouent donc le jeu. A fond. Et la grand messe qui réunit un diffuseur et ses éditeurs, c’est justement cette réunion d’hier soir… Mais ça, je vous le réserve pour une prochaine note ! (suspense, suspense)
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